ZA EnR : quel mode d’emploi ?

28 Août, 2023

C’est LE sujet de la rentrée : conformément à la loi APER, les communes doivent déterminer des zones d’accélération d’énergies renouvelables (ZA EnR). Pourtant, bien que cette loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables (APER) comporte de nombreuses dispositions concernant directement ou indirectement les collectivités (autoconsommation, obligations d’équipement des bâtiments et parkings, contrats d’achat…), la méthode reste encore floue. Surtout, la plupart des communes ne disposent pas des compétences techniques pour définir ces ZA EnR.

Dans son blog, GP conseil vous propose son analyse des modalités de définition des ZA EnR ainsi qu’un rapide questionnaire destiné à évaluer la prise en compte du sujet par les collectivités.

Le questionnaire est consultable en fin de billet ou directement ici : https://docs.google.com/forms/d/161J-CCFCAy5liX5qP-I5Vu9-b6nqac7-bOKVfe5VFAQ

Examinons l’article 15 de la loi, qui est consacré à la planification territoriale du développement des énergies renouvelables et à ces nouvelles venues dans le droit administratif français que sont les ZA EnR.

ZA EnR : de quoi parle-t-on ?

Premier constat : la loi ne propose pas de définition… mais pose plusieurs principes pour les définir.

Principe de réalité :

« Art. L. 141-5-3 (du code de l’énergie).-I.-La définition des zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables ainsi que de leurs ouvrages connexes répond aux principes suivants :

« 1° Elles présentent un potentiel permettant d’accélérer la production d’énergies renouvelables au sens de l’article L. 211-2 sur le territoire concerné pour atteindre, à terme, les objectifs mentionnés à l’article L. 100-4, dans la loi mentionnée au I de l’article L. 100-1 A et dans la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1 ;

La ZA doit avoir un potentiel de production pour contribuer aux objectifs nationaux. En conséquence, inutile de faire une ZA hydraulique si vous n’avez pas d’eau…

Principe de solidarité :

« 2° Elles contribuent à la solidarité entre les territoires et à la sécurisation de l’approvisionnement défini au 2° de l’article L. 100-1 ;

Traduction : chacun doit faire sa part.

Principe d’acceptabilité :

« 3° Elles sont définies dans l’objectif de prévenir et de maîtriser les dangers ou les inconvénients qui résulteraient de l’implantation d’installations de production d’énergies mentionnées au présent I pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l’environnement ;

Le législateur entend favoriser les EnR là où elles ont le moins d’impact environnemental.

Principe de diversification :

« 4° Elles sont définies, pour chaque catégorie de sources et de types d’installation de production d’énergies renouvelables, en tenant compte de la nécessaire diversification des énergies renouvelables en fonction des potentiels du territoire concerné et de la puissance d’énergies renouvelables déjà installée ;

Il s’agit ici d’éviter une spécialisation excessive. Par exemple, ne faire que du solaire ou que du bois-énergie. Aussi faudra-t-il établir une ZA pour chaque filière EnR disponible sur le territoire.

Principes d’exceptions et de priorité :

« 5° A l’exception des procédés de production en toiture, elles ne peuvent être comprises dans les parcs nationaux et les réserves naturelles ni, lorsqu’elles concernent le déploiement d’installations utilisant l’énergie mécanique du vent, dans les sites classés dans la catégorie de zone de protection spéciale ou de zone spéciale de conservation des chiroptères au sein du réseau Natura 2000 ;

« 6° Elles sont identifiées en tenant compte de l’inventaire relatif aux zones d’activité économique prévu à l’article L. 318-8-2 du code de l’urbanisme, afin de valoriser les zones d’activité économique présentant un potentiel pour le développement des énergies renouvelables.

Les ZA EnR ne sont pas prévues dans les parcs nationaux ou les réserves naturelles. Les éoliennes sont exclues s’il y a un enjeu spécifique aux chauves-souris (Natura 2000). On peut néanmoins installer des panneaux solaires en toiture.

En revanche, les ZAE sont prioritaires.

Méthode

La méthode est à définir. Un calendrier et des outils existent (dont un guide méthodologique), qu’il s’agira donc d’utiliser au mieux pour forger sa propre méthode.

 1 – Le porté à connaissance

Responsables : État, gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité et de gaz.

L’État et les gestionnaires de réseaux d’électricité et de gaz mettent à disposition les informations concernant « les potentiels énergétiques, renouvelables et de récupération mobilisables, sur la part déjà prise par chaque établissement public de coopération intercommunale dans le déploiement des énergies renouvelables, sur les capacités d’accueil existantes des réseaux publics d’électricité et de gaz naturel sur le territoire, sur les capacités planifiées sur ce même territoire […} et sur les objectifs nationaux définis par la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1.

A noter : le délai fixé par la loi a expiré le 11 mai 2023. Le 22 mai 2023, une version BETA du « Portail Cartographique EnR a été publiée.

Un guide méthodologique et des fiches par filière ont été publiés le 13 juillet.

En théorie, chaque commune, EPCI, AODE, département et région en est destinataire.

2- L’identification

Responsables : communes. Les communes ont 6 mois pour définir leurs ZA ; délibérer et transmettre à la préfecture et à leur EPCI.

Durant ces six mois, les communes devront s’atteler à plusieurs tâches :

  • Organiser une concertation du public (modalités libres) ;
  • Solliciter l’avis du gestionnaire pour les zones comprises dans des aires protégées (article L110-4 du code de l’environnement) ou des Grands sites de France (art L341-15-1 du même code) ;
  • Le cas échéant, identifier les zones en concertation avec le syndicat mixte gestionnaire du PNR ;
  • Le cas échéant tenir compte du schéma directeur EnR du territoire.

Les EPCI doivent quant à eux organiser un débat de leur organe délibérant sur la cohérence des ZA EnR de leur territoire.

Les référents préfectoraux et les EPCI « peuvent » accompagner les communes…

On le voit : même si la responsabilité incombe aux communes, les EPCI ont un rôle majeur à jouer. La loi ne précise d’ailleurs pas de quel(s) EPCI on parle : communauté de commune, syndicat départemental ?

A noter : le délai donné aux communes est de 6 mois à compter de la mise à disposition des informations. En théorie c’est donc le 11 novembre 2023. Ce calendrier est plutôt court ; il pourrait être assoupli. En pratique, la fin de l’année 2023 paraît plus raisonnable et il est peu probable que les préfectures y accordent beaucoup d’importance… Le guide méthodologique fait d’ailleurs démarrer les 6 mois au 1er juillet.

Calendrier des ZA EnR (guide méthodologique destiné aux élus locaux)

3 – La cartographie

Responsables : référents préfectoraux.

Article L181-28-10 du Code de l’environnement

Un référent à l’instruction des projets de développement des énergies renouvelables […] est nommé par le représentant de l’Etat dans le département, parmi les sous-préfets. […] il est chargé de faciliter les démarches administratives des pétitionnaires, de coordonner les travaux des services chargés de l’instruction des autorisations et de faire un bilan annuel de l’instruction des projets sur son territoire. Il est également chargé de fournir un appui aux collectivités territoriales dans leurs démarches de planification de la transition énergétique.

Une circulaire précise les attributions.

Les référents préfectoraux :

  • « Arrêtent » les cartographies (ici on suppose qu’elles sont départementales et basées sur les différentes ZA) et les transmettent au Comité régional de l’énergie
  • « Consultent, au sein d’une conférence territoriale » (que l’on suppose départementale), les instances responsables des SCOT et les EPCI.

Le texte ne précise pas l’articulation de ces deux points.

Les Comités Régionaux de l’Énergie (Cré) ont 3 mois pour donner un avis sur les ZA.

A noter : le décret d’application n‘a été publié que le 27 janvier dernier. Nouvelle instance créée par la loi Climat et résilience, les Cré ne sont pas encore constitués dans toutes les régions.

  • Si les ZA sont considérées « suffisantes » (pour atteindre les objectifs régionaux) par le Cré, le référent préfectoral sollicite l’avis conforme des communes (délibération) pour leurs ZA, arrête la cartographie à l’échelle de chaque département puis transmet au Ministre.
  • Si les ZA sont considérées comme insuffisantes, le référent préfectoral demande aux communes d’identifier des zones complémentaires sous trois mois. Donc on recommence.

A noter : une lecture littérale du texte rend son application délicate. En effet, les objectifs régionaux évoqués ne sont pas ceux des SRADDET mais ceux qui seront -un jour – arrêtés par décret dans le cadre de la « territorialisation » de la PPE… PPE elle-même en cours de révision.

Le choix de l’échelon communal peut poser question après plusieurs décennies de structuration des intercommunalités – notamment en matière d’urbanisme. De leur côté, les syndicats départementaux d’énergie regroupent l’essentiel des communes, assurent le contrôle des concessions des réseaux de distribution d’électricité et de gaz et animent les commissions consultatives paritaires de la transition énergétique regroupant les EPCI. Enfin de très nombreuses communes ne disposent pas de l’ingénierie nécessaire pour établir leurs ZA EnR…

Dans une logique de concertation, la procédure nécessite l’implication de beaucoup d’acteurs territoriaux aux différentes étapes. Il paraît donc opportun d’opter pour une logique de co-construction en mobilisant l’ingénierie territoriale là où elle est ! Chaque département diffère dans son organisation territoriale mais les compétences nécessaires (chargés de mission énergie, cartographes, SIGistes…) sont généralement présentes dans les syndicats d’énergie ou les EPCI. L’établissement des ZA EnR offre une opportunité de constituer ou mobiliser une communauté de travail.

Si vous avez tenu bon jusqu’à la fin de cette analyse, bravo! Cela signifie que vous êtes capable de répondre au questionnaire ci-après.