La loi 3DS (1) a largement renforcé les exigences de transparence applicables aux SEM vis-à-vis des collectivités actionnaires. A ce titre, deux éléments majeurs doivent être signalés : l’approbation de toute participation supérieure à 10% par la collectivité, le contenu désormais très détaillé des rapports d’activité.
Prises de participation supérieures à 10%
Désormais, la collectivité doit approuver toute participation même indirecte de la SEM au capital d’une autre société (au-delà de 10%).
Dans le cas des SEM d’énergies renouvelables, cela signifie que les collectivités membres devront approuver non seulement les prises de participations de la SEM, mais également de chacune de ses éventuelles filiales SAS spécialisées dans des sociétés de projet.
« Les prises de participation indirectes qui confèrent à une société contrôlée par une société d’économie mixte locale ou à un groupement d’intérêt économique dont une part de capital ou des droits de vote est détenue par une société d’économie mixte locale au moins 10 % du capital ou des droits de vote d’une société sont également soumises à cet accord préalable. Les autres prises de participation indirectes font l’objet d’une information par le représentant de la collectivité territoriale ou du groupement actionnaire à la prochaine assemblée délibérante. »
Article 210 de la loi 3DS
Cette nouvelle disposition renforce l’impératif de bien prendre en compte les temps nécessaires à la délibération dans la planification des projets. Elle pourrait cependant freiner l’effort d’accélération en cours… ou encourager des prises de participations extrêmement minoritaires bien éloignées de la volonté d’appropriation territoriale des projets.
Des rapports annuels d’information des collectivités (très) complets
Les SEM doivent soumettre aux assemblées délibérantes des rapports d’activité annuels dont le contenu vient d’être précisé par décret (JORF du 6 novembre) en application de la loi 3DS. Le décret crée un nouvel article du CGCT, l’article D1524-7 en exécution de l’alinéa 14 de l’article L1524-5. Jusqu’alors ce dernier précisait la périodicité des rapports annuels (chaque année, donc) et se contentait d’exiger « des informations générales sur la société, notamment sur les modifications des statuts, des informations financières, le cas échéant consolidées, ainsi que les éléments de rémunération et les avantages en nature de leurs représentants et des mandataires sociaux. »
Le nouvel article D1524-7 va beaucoup plus loin et détaille précisément le contenu des rapports d’activité attendus.
Fiche d’état-civil détaillée
La présentation de la société d’économie mixte devra s’accompagner de « son historique, son objet social, ses domaines d’activité, l’adresse de son siège social, le nombre de ses salariés, la répartition de son capital, l’organisation de sa gouvernance, les noms du président, du directeur général et des administrateurs, en identifiant ceux qui représentent la collectivité territoriale ou le groupement actionnaire, les principales activités et opérations de l’année écoulée en identifiant celles qui concernent la collectivité territoriale ou le groupement actionnaire et ses perspectives de développement. »
Il y manque uniquement l’âge du capitaine.
État des lieux
Suivent cinq alinéas qui sont autant de cases déjà remplies pour les futurs contrôles des chambres régionales des comptes. Y figurent le détail des « contrats, apports en compte courant d’associés, garanties d’emprunt et aides octroyées au titre du développement économique ou tout autre concours financier ». Les rédacteurs devront faire figurer « les modifications des statuts » et les « évolutions de l’actionnariat » avec un historique de cinq années.
En outre, « l’état de l’ensemble des participations de la société, directes et indirectes » devra être mentionné (montant, part de capital détenue, domaine d’activité de la société concernée, motif de cette prise de participation, personnes y siégeant…
Enfin, il conviendra de décrire les « principaux risques et incertitudes d’ordre financier, juridique, technique ou conjoncturel auxquels la société d’économie mixte est confrontée, et le cas échéant leur traitement. »
Transparence
Les alinéa suivants (visent la transparence et la prévention de la corruption, les « contrôles éventuels », un bilan de gouvernance. Ce dernier comprend le nombre et la date des conseils d’administration ou de surveillance, d’assemblées générales, le taux de présence des élus (mais pas celui des autres membres du CA…).
Plus curieusement, « ce bilan pourra comprendre, le cas échéant, une synthèse des positions prises par ces représentants sur les décisions stratégiques présentant un impact important pour la société, son projet ou la collectivité actionnaire et le signalement des positions de ces représentants non suivies dans chacune de ces instances ».
Ce « cas échéant » interpelle quelque peu : s’applique-t-il seulement en cas de désaccord sur des décisions stratégiques ? On ne sait bien qualifier l’objectif d’une telle disposition : la protection des élus ou leur mise sous surveillance renforcée ?
Enfin, il est toujours agréable d’exiger quelques chiffres supplémentaires, tels que les « éléments de rémunération, fixes, variables et exceptionnels, ainsi que les avantages en nature accordés aux représentants de la collectivité territoriale ou du groupement ainsi qu’aux mandataires sociaux », sans oublier « la situation financière de la société ».
Les exigences vont-ici au-delà du bilan comptable annuel classique puisque le chiffre d’affaires doit être réparti par secteur d’activité. Enfin, cerise sur le gâteau renouvelable, les SEM devront distinguer le chiffre d’affaires résultant de l’activité exercée pour le compte des actionnaires de celui résultant d’activités exercées soit pour des non actionnaires, soit « relevant des opérations pour compte propre ».
Au moment où se discute un projet de loi visant à accélérer le développement des énergies renouvelables, l’administration de la place Beauvau, sous couvert de transparence, semble assez suspicieuse à l’égard des SEM de production d’EnR…
La transparence est évidemment nécessaire. Mais le niveau de détail exigé pour ces rapports d’activité, s’il facilitera grandement le travail des chambres régionales des comptes, pourrait bien en dissuader la lecture par les « assemblées délibérantes ».
Ce décret entrera en vigueur le 1er janvier 2023. Les premiers rapports d’activité intégrant ces éléments devraient donc être publiés, à partir du deuxième semestre de l’année prochaine.
Fins connaisseurs des SEM EnR et de la rédaction de rapports annuels spécifiques, l’équipe de GP conseil est à votre disposition pour rédiger les vôtres – « le cas échéant ».
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1 – Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.
Illustration : Solar pannel / Will Collins Design – Sustainable Design. Eco Village Currumbin, © Sander van Dijk Flickr