Un récent reportage publié par Le Figaro a permis de comparer un parcours Oslo Madrid en voiture électrique avec ce même parcours voiture diesel. « Galères de recharge, consommation importante, arrêts fréquents… » : l’article n’est pas enthousiaste, c’est un euphémisme.
On objectera d’abord qu’il est assez rare d’effectuer un seul parcours mais c’est le jeu des comparaisons.
Et l’on observera aussi qu’il est désormais possible de faire ce parcours avec un véhicule électrique même si, selon Sylvain Reisser, journaliste spécialisé automobile et sport auto, il a fallu s’arrêter 28 fois pour recharger, pour un coût de 780 €. Il estime que le même trajet en voiture diesel se serait traduit par cinq pleins, pour un coût de 700 €.
Plusieurs internautes se sont étonnés à la fois du nombre de kilomètres, du prix et du nombre de recharges. Il est possible qu’un spécialiste du sport auto ne conduise pas à l’économie mais tel n’est pas notre sujet.
De cet étrange reportage, nous pouvons retirer quelques leçons utiles.
Oslo Madrid en électrique, c’est possible.
Premier élément : il est possible de tester une voiture électrique sur des milliers de kilomètres. La comparaison électrique vs diesel est-elle valable ? On s’en fiche : qu’on puisse comparer est déjà en soi une réponse. Depuis plus de deux ans, le marché des véhicules électriques s’envole et, comme l’implantation de bornes de charges suit, rouler à l’électrique devient chaque jour plus simple.
Certes, le débat relatif à l’autonomie des batteries n’est pas près de s’éteindre et il y a sûrement mieux à faire que l’alimenter en traversant l’Europe. Mais, avec un tel parcours, il est démontré que cette autonomie est davantage un paramètre qu’un problème.
Rouler à l’économie ?
Deuxième élément : un trajet Oslo Madrid ne correspond évidemment pas un trajet courant, encore moins à un trajet du quotidien. Probablement celui d’un chauffeur routier. Néanmoins, c’est peut-être le trajet d’un touriste norvégien décidant de passer ses vacances en Espagne, ce qui lui arrivera une voire deux fois dans l’année. Certes, il lui serait plus facile de prendre le train. Mais le coût d’un tel voyage en train a fortiori pour une famille risque de se révéler très élevé.
Va pour l’hypothèse voiture. En faisant ce parcours d’une traite, avec du diesel donc, le conducteur ira plus vite mais, ce faisant, il se mettra -et sa famille avec lui- plus souvent en danger (fatigue, tension…). Dans une voiture électrique, le tableau de bord lui indiquera le lien ente vitesse et la charge restante. Avec un diesel, le lien est moins évident. Il roulera donc probablement plus vite, trop vite. Danger là encore. Autre exemple : en montagne, rouler à l’économie pour un conducteur d’électrique sera une évidence.
Le réflexe du « plein » a la peau dure.
Troisième élément : le journaliste a procédé à 28 recharges pour effectuer son trajet. Comme nous sommes habitués à faire le plein dans les stations-services, nous avons l’impression qu’il a fallu faire 28 fois le plein pour faire ce parcours. L’image est trompeuse : le journaliste a procédé à 28 mini pleins. Des pleins d’opportunités, des pleins de sécurité, des pleins à 20% ou à 50%… Mais cela ne correspond aucunement à 28 passages en station-service.
Pour la quasi-totalité des automobilistes, un tel trajet s’effectue nécessairement avec plusieurs étapes. S’il est avisé, il saisira chacune de ces étapes comme une opportunité de recharge. Exemples : il dort à l’hôtel et en profite pour recharger son véhicule ; il déjeune au restaurant et recharge pendant une heure. Mais il peut aussi faire des courses, visiter une église, pique-niquer… et à chaque fois charger un peu la batterie. Alors, chacune de ces étapes rendra la recharge presque neutre du point de vue du conducteur. C’est d’ailleurs un des agréments de la voiture électrique : elle permet de considérer le voyage autrement et de préférer s’arrêter au resto plutôt que chez Total. Mais, on le voit, le réflexe du « plein » a la peau dure.
L’itinérance au rendez-vous
Quatrième élément : le prix du parcours, 780 €, semble anormalement élevé. Les internautes qui ont réagi à la vidéo avancent plutôt des somme comprises entre 200 et 400 euros. On se gardera bien de contester ces différents chiffres. Et l’on regardera ailleurs : il est possible de charger sa voiture en traversant 6 ou 7 pays. Bien sûr, il est probable que le prix de la charge ait été très différent d’un pays (d’une région, d’un département…) à l’autre tant les tarifications sont encore disparates : à la durée, à la puissance, au kWh consommés… Mais l’itinérance fonctionne et elle préfigure une possible comparaison des tarifs, comme pour l’essence. Et cela simplifiera la vie des automobilistes.
Des questions au cœur des SDIRVE
Ces différents éléments sont aujourd’hui largement débattus dans le cadre des schéma directeurs des infrastructures de recharge pour véhicules électriques (SDIRVE).
Il se trouve que GP conseil participe actuellement à un important travail de concertation relatif de tels SDIRVE, avec l’Agence Eker, les cabinetsGireve, Sia Partners et Tactis.
Or, lors de cette concertation, des questions reviennent de manière récurrente. Coût, autonomie des batteries, temps de charge, « plein » : il est très difficile de penser en dehors du modèle de la station-service à essence. Pour la plupart des personnes qui participent à ces concertations, il s’agit d’un horizon presque indépassable.
Mais d’autres, qui conduisent des véhicules électriques, ont une approche totalement différente. Ils savent, eux, que chaque étape est une opportunité de recharge. Et cela change considérablement l’approche du parcours. Au lieu de chercher une station-service pour faire le pleins et de rouler 800 km, ils chargent à domicile, au travail, lorsqu’ils font leurs courses, en arrivant chez des amis ou en visitant un site touristique. C’est d’autant plus facile que nos voitures passent l’essentiel de leur vie en stationnement, à l’arrêt. Aujourd’hui cette immobilisation des véhicules ne sert à rien. Demain, elle sera systématiquement consacrée à recharger les véhicules – éventuellement à faire du vehicle to grid.
Ces intervenants sont donc précieux dans la construction d’un SDIRVE parce que leur « expérience utilisateur » les conduit à regarder l’IRVE non pas comme un infrastructure coûteuse mais bien comme un outil d’attractivité nouveau. Économie, tourisme, culture, sport, loisirs, nature, santé, écoles… : pour les élus, l’implantation des IRVE devient donc un élément-clef d’une politique de mobilité mais, plus encore, de l’aménagement.
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