Quel contenu pour les schémas directeurs de développement des IRVE?

15 Oct, 2020

En application de l’article 68 de la loi d’orientation des mobilités, le gouvernement présente prochainement au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) un projet de décret relatif aux schémas directeurs de développement des infrastructures de recharges ouvertes au public pour les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables.

Les schémas d’IRVE donneront aux collectivités un rôle de «chef d’orchestre»

Ces schémas directeurs ne sont pas obligatoires mais dans la mesure où ils donneront aux organismes qui les conduiront un «rôle de «chef d’orchestre» du développement de l’offre de recharge sur (leur) territoire, pour aboutir à une offre coordonnée entre les maîtres d’ouvrage, cohérente avec les politiques locales de mobilité et adaptée à l’évolution des besoins», il est nécessaire que les collectivités s’y impliquent et les construisent. Sont concernés les collectivités et établissements publics titulaires de la compétence relative aux infrastructures de recharge pour véhicules électriques ou hybrides rechargeables (article L. 2224-37 du code général des collectivités territoriales).

Il sera possible de réaliser des schémas directeurs communs, sous réserve qu’ils visent «des territoires d’un seul tenant et sans enclave», . Ces schémas seront soumis pour avis aux préfets des départements concernés et feront l’objet de délibérations des collectivités impliquées.

Dans le détail, les futurs schémas devront s’attacher à définir «une offre de recharge suffisante pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables pour le trafic local et le trafic de transit, en lien avec les politiques locales en matière de mobilité, de protection de la qualité de l’air et du climat, d’urbanisme et d’énergie.»

Le diagnostic doit ainsi évaluer l’offre et les besoins:

  • Etat des lieux de la mobilité électrique et de l’utilisation des infrastructures de recharge ouvertes au public ;
  • Evaluation de l’évolution des besoins en infrastructures de recharge à échéances de trois ans maximum («échéance opérationnelle») et au-delà de cinq ans. Pour l’échéance opérationnelle, on s’attachera différents types d’usages : résidents avec ou sans solution de recharge à domicile, usagers occasionnels ou en transit, professionnels.
  • «L’évaluation tient compte, lorsque d’autres politiques locales de mobilité sont mises en œuvre ou programmées sur le territoire, de leur impact sur les besoins.»
  • «évaluation, fournie par les gestionnaires du réseau public de distribution d’électricité concernés, des éventuelles contraintes locales sur le réseau».

Le décret rappelle que l’élaboration d’un tel schéma suppose de travailler en concertation avec «les acteurs publics ou privés qui sont maîtres d’ouvrage d’infrastructures de recharge ouvertes au public» mais aussi tout autre «maître d’ouvrage amené à assumer la responsabilité principale de nouvelles infrastructures en application de dispositions législatives ou réglementaires, notamment de l’article L. 111-3-5 du code de la construction et de l’habitation.»

Il est précisé que «la collectivité ou l’établissement public associe également les autorités organisatrices de la distribution d’électricité», ce qui peut sembler étrange dans la mesure où ce sont essentiellement les AODE qui ont aujourd’hui construit et développé ces IRVE. Le décret le rappelle donc utilement.

Vers une offre de recharge lisible et coordonnée

Tenant «compte des politiques locales de mobilité et des objectifs des programmations pluriannuelles» la stratégie territoriale du schéma devra s’attacher à «développer une offre de recharge lisible et coordonnée entre les différents maîtres d’ouvrage, notamment concernant les modalités d’accès et de tarification.»

Le décret ne précise pas si ces modalités d’accès et de tarification feront l’objet d’une consolidation au niveau national (cf. infra).

Nombre, usages et localisation des IRVE à la maille IRIS

Le schéma devra détailler («objectifs opérationnels») le nombre et le type de stations et de points de recharge, «leur localisation ainsi que la puissance maximale envisagée pour la station et par point de charge», le principal usage prévu pour chaque IRVE. Ces éléments seront «résumés dans une carte à une maille géographique appropriée dont la précision ne peut être inférieure à l’îlot regroupé pour l’information statistique (IRIS).»

Le calendrier de déploiement sera assorti des moyens financiers nécessaires en tenant compte de la prise en charge à 75% des coûts de raccordement par le tarif d’utilisation des réseaux jusqu’à fin 2025 (LOM, article 68), des modalités d’action, ainsi que des «types de maître d’ouvrage envisagés (et) partenariats prévus.»

Données de localisation et cartographie

Les schémas seront transmis pour avis aux préfets de département, ainsi que chacune de ses mises à jour. «A des fins d’élaboration de l’avis sur le projet de schéma directeur et de consolidation nationale, un fichier numérique comprenant notamment les données relatives aux principales caractéristiques chiffrées du diagnostic et des objectifs est transmis par voie électronique au préfet de département lors de la transmission du projet de schéma.»

Le décret ne précise pas les détails de cette «consolidation nationale», qui seront définis par arrêté. Il s’agira sans doute de la liste des bornes avec leur point GPS (à a jour, il y a des manques dans data.gouv.fr, les données de Gireve sont plus fiables). Un décret relatif à la mise à disposition des données est également prévu.

Les IRVE sans les mobilités ?

  • Une fois publié, ce décret devrait permettre de disposer rapidement d’un état des lieux de l’offre d’IRVE dans le territoire, ainsi que de leur utilisation. Les données connues aujourd’hui sont dispersées et souvent parcellaires ;
  • Au moment où le gouvernement annonce un plan 100.000 bornes, il importe que la construction de nouvelles infrastructures réponde à des besoins émergents ou futurs en tenant compte de l’existant (IRVE existantes bien sûr mais aussi le type d’usages et le taux de fréquentation) ;
  • S’il est prévu dans la partie dédiée à la concertation, le lien avec les politiques locales en matière de mobilité reste encore ténu. Il serait sans doute utile d’assortir les schémas directeurs de réflexions ou perspectives sur de nouveaux usages de la mobilité électrique – qui s’appuieraient évidemment sur les IRVE (cf. notre note de blog du 16 septembre 2020 : Et si on construisait les usages des IRVE ?) ;
  • Les constructeurs n’étant pas associés à cette concertation (mais rien n’empêche de les convier à participer aux travaux), il faudra veiller à construire des schémas prospectifs, qui ne soient pas uniquement concentrés sur le développement ou le renforcement du maillage d’un territoire.

Crédit photo: GP conseil – IRVE à Saint-Rémy-lès-Chevreuse