L’ARENH margote (tentative d’analyse du marché de l’électricité)

4 Fév, 2022

ARENH, concurrence, spoliation, rattrapage, nucléaire, gaz, EnR, EDF, concurrents d’EDF… Depuis plusieurs semaine, l’énergie est au cœur de l’actualité, ce qui entraîne l’apparition de multiples « experts » de plateau (TV ou réseaux sociaux) qui débattent d’un sujet qu’ils maîtrisent visiblement mal. Essayons de démêler une intrigue touffue.

Episode 1 – Comprendre les marchés de gros et de détail

Quand on parle de « marché de l’électricité », il s’agit en pratique d’un ensemble très touffu de mécanismes, acteurs, réglementations…

Le marché de gros

Il s’agit de l’ensemble des échanges entre producteurs (offre) et fournisseurs (demande). On y trouve des ventes directes, des ventes via des intermédiaires (courtiers et négociants) ou des transactions boursières.

Trois « sous-marchés » principaux s’y observent: les produits dits « à terme », le marché spot et l’équilibrage.

Les produits à terme correspondent à la livraison d’un « ruban » : par exemple 1 MWh pour toutes les heures de la période considérée. Les produits vont de 1 semaine à 3 ans, en base ou en pointe (8h-20h du lundi au vendredi).Les fournisseurs utilisent ces produits pour couvrir l’essentiel de la consommation attendue de leurs clients.

Les produits spot sont essentiellement des produits horaires achetés la veille pour le lendemain (et marginalement le jour même). Ils couvrent la « dentelle » de la courbe de charge des clients.

Enfin, géré par RTE, le mécanisme d’ajustement permet l’équilibrage de la dernière heure. Les volumes sont très faibles mais la sécurité d’approvisionnement en dépend.

La CRE décrit assez pédagogiquement l’ensemble ici.

Le marché de gros français est très largement dominé par les échanges de produits à terme (906 TWh en 2020 contre 140 pour le spot). 87% des échanges se font en dehors des bourses.

La formation des prix

Longtemps méconnu, l’impact des prix du gaz sur les prix du marché de gros de l’électricité en France a été largement commenté ces derniers mois. Qu’il s’agisse de l’expliquer ou de dénoncer un scandale…

Prix spots

Le marché spot obéit à un mécanisme classique de marché : c’est la rencontre entre l’offre et la demande qui fixe le prix.

En théorie, ce prix est équivalent au coût de fonctionnement du moyen de production sollicité en dernier pour satisfaire la demande. On l’appelle le coût marginal. Si le prix du gaz augmente mais que nous n’avons pas besoin des centrales au gaz, cela n’aura pas d’impact sur le prix spot.

En pratique c’est un peu plus complexe que cela. En effet, rien n’oblige un producteur à offrir son électricité strictement au niveau de son coût variable quand son équipement est disponible. Il peut tenir compte de la gestion de son stock, des coûts de démarrage, décider de vendre à perte quelques heures, etc.

La CRE reconstitue chaque année (ex-post) une analyse de la « marginalité ».

Source : Rapport de surveillance des marchés de gros 2020, CRE.

Prix à terme

Concernant les produits à terme, la formation des prix est généralement basée sur l’anticipation des prix spot par les acteurs du marché pour la période considérée.

Exemple : pour couvrir la consommation de ses clients en avril 2023, un fournisseur peut choisir d’acheter un produit à terme ou d’attendre la veille (ou combiner les deux possibilités). Il va donc analyser les conditions (disponibilité du parc, saison, courbes de demande, etc.) et évaluer un prix « prévisible ». C’est celui qu’il accepte de payer aujourd’hui pour se couvrir à l’avance dans le marché à terme.

Les prix du marché spot et des produits à terme peuvent donc évoluer assez différemment (tensions passagères) ou de manière plus corrélée s’il y a une inquiétude structurelle sur l’équilibre offre-demande ou les prix des combustibles.

En savoir plus : en charge de la surveillance de des marchés de gros, la CRE publie régulièrement des rapports dédiés.

Le marché de détail

Il s’agit de l’ensemble des ventes aux consommateurs finals, qu’elles soient directes ou via un fournisseur.

Aujourd’hui, le marché de détail français représente un volume de consommation de 432 TWh et 39,5 millions de sites. Les ménages ne représentent que 38% de la consommation (160 TWh environ) mais plus de 86% des sites.

Les clients d’EDF représentent environ 55% du marché de détail (moins de 240 TWh) et l’ensemble des clients au TRV moins de 30%. Or,  EDF assure l’écrasante majorité de la production. Quelles que soient les conditions, EDF doit donc vendre une bonne partie de sa production sur les marchés de gros à ses concurrents.

Pour les petits consommateurs, il existe de nombreux fournisseurs et une multitude d’offres possibles : indexées au TRV, à prix fixe, à prix variable, offres basées sur les énergies renouvelables, offres week-end…

Pour s’y retrouver, le site du médiateur national de l’énergie, energie-info.fr, propose un comparateur d’offres en ligne. Ce comparateur est gratuit et totalement indépendant. Le marché de détail fait lui aussi l’objet d’un surveillance et de publications régulières de la CRE.

Lire la suite : épisode 2 (Quel impact des prix de gros pour les consommateurs ?) ici et épisode 3 (l’ARENH du bal) ici.

A lire aussi : Prix de l’énergie, marchés de gros et bouclier arverne

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