Tel que présenté, le projet d’accord sur le nucléaire se ferait au détriment des consommateurs. C’est ce que GP conseil expose dans une tribune aimablement publiée par l’excellente revue Europ’Énergies.
Nous la reproduisons ci-après.
« En novembre dernier, EDF et l’État ont annoncé un accord relatif à un dispositif destiné à succéder à l’arenh. Ce dispositif a ensuite fait l’objet d’une consultation publique close fin décembre.
Faisons fi de son caractère abscons, probablement destiné à réduire à la portion congrue le nombre de réponses. L’essentiel est ailleurs : portant sur un accord déjà conclu, cette consultation est survenue trop tardivement pour permettre aux acheteurs de contribuer à la création d’un dispositif qui concourrait à l’intérêt général et non pas uniquement à celui d’EDF et de son actionnaire.
C’est entendu : l’arenh a vécu. En raison de son rationnement, il obligeait fournisseurs et clients à des acrobaties permanentes, nuisant à la visibilité budgétaire et protégeant de moins en moins des variations des marchés.
Après le retrait du projet Hercule, l’État a dû réfléchir à un autre dispositif. Malheureusement, celui qui est annoncé
aujourd’hui « oublie » un élément central du paysage : les consommateurs.
Manque de transparence et de visibilité
En effet, le projet fixe un « objectif » de 70 euros/MWh « en moyenne » qui ressemble à de la pensée magique. D’une part, il est fondé sur les calculs d’EDF à horizon de quinze ans, sans que ces calculs ne soient rendus publics. De l’autre, les seuils réels du mécanisme (78 et 110 euros) déclenchant des niveaux de taxation (respectivement de 50 et 90 %) en paraissent bien éloignés. N’importe quel acteur économique en conclura qu’il est bien plus tentant de vendre le MWh « en moyenne » à 109 euros qu’à 70 ! Les années où les ventes d’électricité nucléaire par EDF atteindraient des prix supérieurs aux seuils, le produit de la taxation serait intégralement reversé à l’ensemble des consommateurs via leurs fournisseurs. Cela sera probablement très rare, mais soit.
Le mécanisme prévoit que la Cre établisse des évaluations des « revenus excessifs » attendus pour l’année d’après avec une régularisation l’année suivante. Le reversement post-exercice contrevient au besoin premier des acheteurs, a fortiori des acheteurs publics, qui est celui de la visibilité. Qui peut raisonnablement croire qu’une mairie, un département, une école ou un hôpital se satisfassent de budgets énergétiques relativement imprévisibles ?
Une autre question essentielle demeure : celle de la transparence. Il appartiendra probablement à la Cre de
faire ce travail de comparaison et de vérification des prix de cession du nucléaire obtenus par EDF et des prix de
marché obtenus par les acheteurs. Mais comment faire le lien entre des temporalités différentes, celle d’EDF écoulant
sa production quatre ou cinq ans à l’avance, et celle d’un acheteur se fournissant au marché un ou deux ans
à l’avance ? L’asymétrie d’information est ici une question majeure.
Un dispositif inadapté pour les acheteurs publics
Enfin, aux acheteurs déboussolés qui viennent de comprendre qu’ils seront désormais entièrement exposés au risque marché, on parle de contrats de long terme, la solution idéale pour sécuriser des prix. Ces outils, parfaitement opérationnels pour des électro-intensifs, ne sont pas accessibles à des clients moyens, aux volumes insuffisants pour de tels contrats. Et, là encore, la temporalité ignore celle des acteurs publics, soumis à des accords-cadres de quatre ans.
En ignorant la voix des consommateurs, EDF et l’État vont donc soumettre au Parlement un dispositif qui méconnaît
l’intérêt général. L’arenh entendait répartir la « rente » nucléaire au bénéfice de tous les consommateurs français.
Rien de tel avec le projet en cours qui ne pose aucun garde-fou aux traders. L’arenh avait des défauts mais il était régulé. Ici, seul un « objectif » de prix est affiché.
Les consommateurs, particuliers comme professionnels, sont lucides et responsables. Ils approuvent le principe d’un
dispositif sécurisant les investissements d’EDF. En revanche, ils déplorent que l’opérateur redevenu 100 % public
propose une solution 100 % marché. Quel paradoxe lorsque d’autres dispositifs, favorables à l’ensemble du secteur, étaient envisageables ! Un débat parlementaire est attendu. Gageons qu’il permettra d’entendre les consommateurs, jusqu’ici peu écoutés. »
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