L’Autorité de la concurrence plaide pour leur disparition. Inversement, la Commission de régulation de l’énergie veut les préserver. Et s’il y avait une autre manière d’aborder les tarifs réglementés de vente de l’électricité, qui donnerait davantage du pouvoir aux autorités concédantes ? A quand un service public de fourniture vraiment local ?
Deux avis contradictoires le même jour: plus de dix-sept ans après l’ouverture du marché des particuliers à la concurrence, Les TRV continuent de nourrir le débat.
Que faire des TRV ? La CRE et l’Autorité de la concurrence affichent leur désaccord
Voici la Commission de régulation de l’énergie (CRE) d’abord, qu’on a connue moins attachée au service public de fourniture. Dans son dernier rapport d’évaluation (19 novembre 2024) , elle estime que « les TRVE sont compatibles avec le bon fonctionnement du marché et le développement de la concurrence au bénéfice des consommateurs », rien que ça. La CRE loue les « effets bénéfiques du lissage sur deux ans », le rôle directeur des TRV « sur la structuration du marché » sans oublier « l’attachement des consommateurs qui en découle » et leur compatibilité avec le droit européen.
A cet enthousiasme de la rue Pasquier répond une recommandation de tout autre nature du côté de l’Autorité de la concurrence émanant d’un rapport d’évaluation parallèle (19 novembre 2024 également). Elle demande en effet au gouvernement « de préparer de manière concrète la disparition des tarifs réglementés de vente d’électricité et de poursuivre les objectifs de politique publique qui leur sont attribués à travers d’autres dispositifs. » Parmi les griefs relevés par l’Autorité, on notera ceux-ci : caractère transitoire de la régulation des prix de détail selon le droit de l’Union, limitation du développement de la concurrence, renforcement du « rôle déjà très important de l’ancien monopole historique sur les marchés de l’électricité et son image auprès des consommateurs », caractère faussement protecteur (mécanisme intégrant l’ARENH), incertitudes pour l’avenir (après la disparition de l’ARENH).
Un service public local de fourniture très peu local
Le débat n’est pas neuf et l’on peut se demander si ces arguments qui s’opposent de manière aussi symétrique (droit européen, caractère protecteur…) ne sont pas d’abord affaire de circonstance. Peu importe. Peut-être le débat mériterait-il d’être posé autrement. C’est-à-dire localement et non du seul point de vue national.
Aujourd’hui en effet, les TRV font partie du service public local de fourniture. Ce service public est prétendument placé sous le contrôle des collectivités locales même si, en pratique, elles ne sont en rien décisionnaires. De fait, elles ne fixent ni les tarifs, calculés par la CRE, ni les conditions générales de vente, imposées par EDF, ni la durée, calée arbitrairement sur les concessions de distribution d’électricité. C’est également une fiction géographique puisque le service public de fourniture est identique dans plus de 400 concessions.
Dans la distribution, les collectivités ont pu faire valoir la légitimité de leur rôle d’autorité concédante, en fixant par exemple des objectifs d’investissements pluriannuels à Enedis. Dans la fourniture, n’étant décisionnaires de rien, leur contrôle se borne à une simple vérification que le fournisseur EDF respecte des règle qu’il a lui-même définies.
Que serait un véritable service public local de fourniture?
C’est sans doute là qu’il serait utile de creuser. Pourquoi ne pas réfléchir à un véritable service public local de fourniture où l’autorité concédante définirait à la fois la durée, les tarifs et les conditions générales de vente ?
Un tel service public permettrait en effet :
- De définir une durée raisonnable dans la mesure où les investissements et le retour sur investissement d’un fournisseur n’ont rien mais alors rien à voir avec ceux d’un gestionnaire de réseau. Une durée de l’ordre de cinq ans permettrait au fournisseur de bien asseoir son offre, lui garantissant un bon retour sur investissement. Cette durée pourrait être modulée, en fonction des souhaits de l’autorité concédante, par exemple le recours à des sources de production locales, voire leur développement ;
- Les conditions générales de vente incluraient des attentes spécifiques de l’autorité concédante, qui pourrait se montrer plus exigeante que le seul droit de la consommation ou encore renforcer une politique de sobriété ;
- La tarification serait définie conjointement par de l’autorité concédante et le concessionnaire, en intégrant là encore des attentes locales : incitations à la sobriété, offres vertes, fidélisation, dégressivité…
Ce ne sont que des exemples et l’on peut imaginer que les futurs contrats de concession ainsi conclus comprendraient d’autres dispositions, favorisant une véritable politique locale de l’énergie.
Poussons la réflexion plus loin encore. Rien ne s’oppose aujourd’hui à la création d’un tel service public, parallèle à celui attribué à EDF commerce. Il suffirait à une autorité concédante de définir le cadre, pour proposer aux habitants de son territoire une offre singulière, territorialisée et encadrée, à la fois innovante et rassurante pour le consommateur.
Gageons qu’EDF ne serait pas le dernier fournisseur à concourir.
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Crédit photo : Lampe, Christian Reimer / Flickr.