Dans le plan de relance présenté par le gouvernement le 8 septembre, il est prévu d’accélérer le déploiement d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques (IRVE). L’initiative est louable mais elle doit s’accompagner d’une réflexion propre à développer l’usage de ces bornes.
La France compte aujourd’hui quelques 30.000 IRVE et le gouvernement souhaite que le réseau s’étoffe pour atteindre 100.000 IRVE d’ici fin 2023. La mobilité électrique est en butte depuis quelques années à la question de la poule et de l’œuf. Le parc de véhicules croît rapidement en pourcentage mais reste très faible au regard du parc thermique. Et, en dépit de son vif développement, le réseau d’IRVE publiques reste encore très largement sous-utilisé. Les « pleins » électriques sont encire marginaux : certaines bornes accueillent 20 voitures par mois mais la plupart se contentent de 4 ou 5 recharges mensuelles..
IRVE: un service public émergent
Par-delà toutes les préoccupations que suscite un plan de relance massif (soutien immédiat des entreprises en difficulté, emplois à préserver…), le recours à l’argent public pour le financement d’infrastructures doit aussi s’accompagner d’une réflexion quant à leur utilisation. Une IRVE coûte environ 10.000 € et son coût d’exploitation représente quelque 10% de cette somme, tandis que les recettes sont marginales. Ce service public est aujourd’hui structurellement déficitaire et le sera sans doute encore quelques années. Ce n’est pas un problème en soi. Ce service public est émergent et répond à plusieurs exigences visant à sécuriser les automobilistes qui font le choix de l’électrique : maillage territorial régulier, disponibilité, faible coût… En revanche, avant de densifier un réseau peu utilisé (ou en parallèle), ne faudrait-il pas réfléchir aux usages qu’il peut générer ?
La recharge principale s’effectue très majoritairement à domicile
Publié en mai 2020, un sondage BVA pour Enedis a mis en évidence la difficulté des IRVE sur voie publique à s’installer dans le paysage de la mobilité « électrique.
«La recharge principale s’effectue très majoritairement à domicile, les recharges en voirie et au travail restent marginales. 70 % des répondants n’utilisent jamais les bornes de recharge publique ; 2/3 de ceux qui les utilisent se rechargent sur les parkings de supermarchés.»
«Pour les résidents en maison, 90% des répondants rechargent principalement à domicile. Seuls 44% effectuent leur recharge principale sur leur lieu de travail et 6% sur des bornes publiques. Pour les résidents en immeuble, 47% des répondants rechargent principalement à domicile et 33% utilisent les bornes publiques pour leur recharge principale.»
A l’évidence, la durée du « plein » électrique est un frein. On recharge lorsqu’on a le temps de le faire. Il importe donc que les collectivités locales, qui installent l’essentiel des IRVE, s’intéressent aujourd’hui, par-delà la seule infrastructure, à la mobilité au sens large.
Les collectivités locales devront s’intéresser à la mobilité au sens large
C’est particulièrement vrai en milieu rural où les besoins de mobilité sont d’autant plus élevés que l’offre de transports publics s’est réduite ou complexifiée et où les communautés de communes peuvent désormais prendre la compétence d’autorités organisatrices de la mobilité.
Deux services sont à privilégier : le covoiturage et l’autopartage.
Les aires de covoiturage doivent passer massivement à l’électrique, pour favoriser la mobilité électrique du dernier kilomètre. On quitte son domicile et l’on rejoint l’aire de covoiturage où la voiture se chargera (potentiellement abritée par des ombrières photovoltaïques) durant la journée. La tarification devrait être incitative. Pourquoi pas une bonification publique pour le covoiturage électrique ?
A l’image de Perrigny-sur-Armançon, village de l’Yonne qui a mis en place un service d’autopartage d’un véhicule électrique communal, il est temps de considérer les IRVE comme la première brique d’une mobilité au service de tous. En l’occurrence, en milieu rural, il n’est pas rare qu’une famille dispose de deux véhicules, qui sont totalement sous-utilisés mais dont elle ne peut se passer, faute d’offre alternative. Mettre à disposition des habitants une ou deux voitures électriques à partir du modeste « hub » que constitue une IRVE est une solution intelligente, écologique et pratique.
Les IRVE, premier maillon d’une mobilité électrique partagée
Ne pensons pas que ces services ne concernent que les campagnes. Dans les zones urbaines où l’on gaspille chaque jour du temps et de l’essence dans des embouteillages, le covoiturage s’imposera de plus en plus. Les IRVE peuvent en constituer un maillon. De même, l’électrification des parkings (avec gratuité ou tarifs incitatifs à la clef) à proximité des gares relève de l’évidence. Sans oublier d’électrifier ce qui a le plus de valeur en ville pour les automobilistes : le stationnement. Stationnement résidentiel en utilisant les candélabres d’éclairage public pour les résidents, stationnement « assurantiel » pour les flottes de taxis, les médecins et infirmiers, les artisans, les livreurs… Il en est de même pour l’autopartage de proximité, qui pourrait être porté par les collectivités de manière progressive.
Même si l’intervention publique dans le domaine privé reste ici à définir, sans doute faut-il aussi explorer d’autres pistes, comme l’installation d’IRVE dans les copropriétés, encore largement sous-équipées.
Si l’objectif des 100.000 IRVE est utile car il donne un signal au secteur (et notamment aux constructeurs, encore très frileux), il importe qu’il s’accompagne d’une réflexion quant aux besoins (identifiés ou émergent) de mobilité locale. Ça tombe bien: Contexte indique que la DGEC lancera le 17 septembre un groupe de travail sur les « bonnes pratiques » pour le déploiement des bornes de recharge électriques. Objectifs : rédiger un guide à destination des élus, « faire de la pédagogie et aider les collectivités dans la prise de décision. »
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